Gauthier Casanova est attentif aux solutions novatrices en matière d’emploi et d’incentive. Pour preuve, il occupe le poste de head of design chez Jump. Cette société de portage salarial transforme les indépendants en salariés et leur offre les avantages du CDI dont les précieuses fiches de salaire. Alors qu’il travaille chez Matera, son ancienne boîte, Gauthier découvre l’univers fascinant et impénétrable des BSPCE. Ils rapportent gros aux salariés des startups en cas de banco. Sauf que les cas de pactoles sont rares, tout comme le nombre de collaborateurs qui saisit les raffinements du dispositif. Alors, au côté de son CFO, Gauthier conçoit un simulateur (accessible ici). Il simplifie et regroupe - enfin ! - les innombrables scénarios de valorisation. Et contre toute attente, c’est un buzz (de niche, mais tout de même) imprévu : le tableau récolte un étonnant succès sur Linkedin avec une exposition de 400.000 personnes. Parmi eux, le fondateur d’Iliad, Xavier Niel. Preuve qu’en finance comme en influence, on est toujours à un like du jack pot.
Interview de Gauthier Casanova
FUTURZ - Pourquoi penses-tu que ton tableau sur les BSPCE a fait le tour de Linkedin ?
G. C. - Notre CFO avait créé un tool assez simple, qui te permettait de te projeter et de représenter concrètement ce que ton argent pouvait devenir. J'aime bien faire des Excel un peu pimpés, donc je me suis amusé. J'ai repris le fichier, l’ai complété avec de nouvelles fonctions et poussé le plus loin possible ses possibilités. J’ai commencé par le partager en interne puis sur Linkedin. J'ai vu que tout le monde était hyper intéressé. C'est incroyable que ce tableau ait dépassé les 400.000 personnes en portée organique. C'est assez rigolo. Je me suis retrouvé dans une boucle de mail avec Xavier Niel.
S’en est suivi un nouveau plan de carrière pour toi ?
G. C. - (rire) Non pas vraiment ! Mais la légende est vraie : Xavier Niel répond à tous ses mails. Il l’a transféré à Roxane [Roxanne Varza, directrice de Station F, NDLR]. C’était un échange très succinct.
Revenons à nos BSPCE. Si ton tableau a rencontré un tel succès c’est que les salariés peuvent avoir l’impression de se faire un peu avoir. Est-ce que tu confirmes ?
G. C. Ils ont du mal à s’y retrouver ! Il arrive souvent qu’entre le moment où tu négocies ton contrat et celui où tu touches ton argent, la valeur de la boîte change. Surtout en 2022, avec les levées de fonds lunaires qu’il y a eu. En même temps, lorsque les salariés négocient leur CDI, ils privilégient un fixe plus élevé aux BSPCE. A leurs yeux, les bons de souscription ne sont pas palpables et ils se questionnent : « attends, ce n'est pas une action, c'est un bon de souscription, donc ça me donne le droit d'acheter, mais à quel prix ? Pour quand ? À quel moment je peux le faire ? »
« Beaucoup de boîtes ont choisi les BSPCE sans réfléchir parce que c’est le modèle star, mais dans le fond elles n’y comprennent rien. »
Et côté entreprise ?
G. C. - Beaucoup de boîtes n’appréhendent pas bien elles-mêmes le problème, parce qu’elles ont choisi les BSPCE un peu sans réfléchir parce que c’est un peu le modèle star des start-ups pour inciter les salariés à rester… Ça fait partie du package : si tu n'as pas de BSPCE en start-up, tu n'es pas attractif et tu ne peux pas attirer de talents. Sauf qu’une fois mis en place, si tu n'es pas capable de bien évangéliser le sujet en interne, beaucoup vont quitter leur entreprise sans leur BSPCE. Potentiellement, ils passent à côté de quelques dizaines de milliers ou centaines de milliers ou millions.
Est-ce que tu penses que c’est le moyen le plus safe de se constituer une épargne ?
G. C. - La probabilité que ta boîte réussisse en start-up est quand même assez faible ; que tu fasses plusieurs levées de fonds successives, que la valeur augmente et que le prix de tes BSPCE évolue… Ça reste un sujet mystique pour beaucoup.
Lorsque l’on est indépendant, on est exclu de nombreux avantages, comme les BSPCE. Comment compenser ce manque ?
G. C. - C'est une très bonne question à laquelle personne n’a vraiment de réponse. Aujourd'hui, seul le salarié classique peut bénéficier de cet outil. En tout cas, chez Jump, on ne peut pas ouvrir le format BSPCE à des salariés portés. Les seules choses que l’on peut mettre à disposition, ce sont les plans épargne entreprise. Ces dispositifs financiers te permettent de placer de l'argent, mais ils ne te rémunèrent pas et ne te félicitent pas non plus du succès d'une entreprise.
Et Xavier Niel, tu restes en contact ?
G. C. - Non ! (rire) Mais à travers ce produit partagé sur Linkedin, j’ai eu accès à tous les founders en train de monter un projet qui se renseignent sur l'attribution des BSPCE.