Tout savoir sur les failles des BSPCE

Finance
February 28, 2023
·
Écrit par
Clément Parramon

Les nombreuses faiblesses des BSPCE qu'il faut connaître

Tout savoir sur les failles des BSPCE
Finance
February 28, 2023
·
Écrit par
Clément Parramon

Les nombreuses faiblesses des BSPCE qu'il faut connaître

En Résumé

Les BSPCE sont des instruments financiers qui permettent aux startups de récompenser leurs salariés en leur offrant une participation au capital de l'entreprise à des conditions avantageuses. Toutefois, leur utilisation comporte certains risques ou inconvénients qu'il convient de connaître.

  • Le montant de BSPCE présenté à l’employé n’est pas un complément de rémunération. C’est le prix qu’il doit payer afin de devenir actionnaire. La confusion est courante.
  • Les BSPCE sont donnés gratuitement. Cependant les utiliser pour devenir actionnaire a un prix parfois très élevé pour le salarié.
  • Les BSPCE sont des actifs peu liquides. Pour les transformer en cash, il faut être salarié et vivre un événement de liquidité parfois encore très lointain. Des plateformes de vente sur le marché secondaire se développent, mais n’offrent pas de liquidité systématique à toutes les entreprises.
  • Les BSPCE permettent à des salariés de devenir actionnaire. Cependant depuis l’arrivée des plateformes de revente sur le marché secondaire, n’importe qui peut acheter les actions associées à ces BSPCE et entre au capital. N’importe qui, même vos concurrents !
  • Les BSPCE sont destinés aux salariés et mandataire sociaux de l’entreprise. Pour tous les autres types de contrats cela ne marche pas.
  • Dès lors qu’un plan de BSPCE est signé, les bons tombent généralement tous les mois, peu importe les efforts du salarié. Le nombre de bons à débloquer étant par ailleurs capé, le dispositif n’est pas incitatif et ne contribue pas à développer l’engagement.
  • Le dispositif de BSPCE fait appel à des notions non maîtrisées par les salariés. A cela s’ajoute un manque de visibilité sur la prise de valeur de l’entreprise. Ce qui créé une opacité empêchant le détenteur de savoir combien vaut exactement ce qu’il possède.
  • Allonger la durée d’exercice des BSPCE après le départ du salarié est une zone grise du droit. Dans l’esprit de la loi, un avantage salarié devrait uniquement bénéficier un salarié.
  • Les améliorations discutées pour mettre à jour les BSPCE ne sont pas à la hauteur des besoins des fondateurs d’entreprises en croissance.

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Du salaire ou des BSPCE : Le quiproquo financier

Cela fait 30 ans que les BSPCE existent et de nombreuses incompréhensions persistent sur ce dispositif.

La première d’entre elles est véhiculée dès la publication des offres d’emplois et des premiers entretiens passés. Le dispositif est régulièrement faussement présenté par des entreprises comme un complément de salaire, ou discuté en compensation pour baisser le salaire.

CDI - Salaire de 35 000€ fixe + 10 000€ BSPCE
“Mon entreprise compte me donner 5k€ de BSPCE cette année”

Le montant de BSPCE n’est pourtant pas un complément de rémunération. Il s’agit en réalité d’un montant que peut dépenser le salarié pour devenir actionnaire (en “exerçant” le droit de ses BSPCE à acheter des actions).

Le candidat pense qu’il va toucher 45 000€ de salaire ou équivalent salaire, en fait il ne touche que 35 000€ et a le droit de payer 10 000€ pour obtenir des actions.

Le quiproquo est d’ailleurs d’autant plus trompeur, que le montant des BSPCE promis est important.

Cette confusion revient à essayer de comparer du fast cash (salaire, prime, bonus, .. ), qui s’obtient immédiatement pour récompenser un travail, avec le slow cash (actionnariat salarié, participation, intéressement, .. ) qui se construit et s’apprécie dans la durée pour récompenser un engagement et des résultats.

Il faudrait présenter ainsi la nuance aux candidats :

  • Voici votre rémunération : vous devez être payé à votre juste valeur, et donc pour le travail que vous accomplissez au quotidien
  • Voici notre dispositif de partage de la valeur : si l’entreprise prend en valeur, et que vous y contribuez, vous serez récompensé

Les BSPCE sont-ils payants ? Leur coût caché expliqué

A son arrivée dans l’entreprise, un salarié a peut-être l’opportunité de bénéficier d’un plan de distribution de BSPCE. Ce plan est nominatif, c’est à dire que les BSPCE qu’il va débloquer dans le temps seront les siens.

Ces BSPCE lui sont donnés gratuitement, il n’a rien à payer pour les obtenir.

Peu importe qu’il les ai débloqués en totalité ou non, s’il est encore salarié il peut utiliser ses BSPCE pour devenir actionnaire. Et là surprise, il va devoir mettre la main au portefeuille.

Lorsqu’un plan de BSPCE est créé, on prend en référence le prix de l’action à ce moment là, que l’on décote légérement. On obtient ainsi le prix d’exercice de ces BSPCE.

C’est à ce prix unitaire décoté que le salarié pourra un jour acheter des actions, si il le décide.

Selon le moment choisi dans le développement de l’entreprise pour mettre en place un plan de BSPCE, ce prix décoté reste parfois très élevé. Il est alors difficile pour le salarié, s’il le voulait, de payer la somme nécessaire pour devenir actionnaire.

Exemple :
Valo FDiluted 50m€  | 10 000 Actions | PPS = 5 000 € / action

5% BSPCE ie 500 actions
Prix exercice unitaire BSPCE = 5 000 * (décote 30%) = 3 500€

Un employé qui a 25 BSPCE devrait payer : 25 * 3 500 = 87 500 €
Ce qui peut représenter presque 2 ans de salaire !!

Ne perdons pas de vue que depuis le début, ce que cherche le salarié ce n’est pas d’être actionnaire. Il souhaite dégager de l’argent cash suite à ses efforts, son engagement et sa fidélité à l’entreprise.

Le mécanisme de BSPCE n’est donc pas gratuit pour lui.

Il existe une seule situation dans laquelle le salarié ne doit pas débourser de l’argent. C’est quand il est encore salarié, et qu’il vit un moment de liquidité dans son entreprise. Dans ce cas, il exerce ses BSPCE (= achat) et revend (= vente) automatiquement ses actions, dans le même instant.

Ce cas où le dispositif est perçu comme “gratuit” (car le salarié ne débourse rien) reste très rare. Dans la grande majorité des cas, nombreux sont les salariés qui sont déjà partis de l’entreprise. En effet la durée moyenne d’un employé en startup est de 3 ans, ce qui est largement inférieur à la durée moyenne de 10 à 12 ans avant un événement de liquidité (cession, IPO, changement d’actionnariat majoritaire, .. ). Ces anciens employés ont soit exercé leur droit à acheter des actions avant de partir, soit ils ont perdu ce droit (et donc les actions associées) du fait en raison de clauses de départ.

La liquidité limitée des BSPCE

Les BSPCE sont des actifs financiers émis au nom propre et qu’il n’est pas possible de vendre. On dit généralement que la liquidité de ces actifs est très limité, c’est à dire qu’il est difficile de les transformer rapidement en cash.

Le dispositif des BSPCE est par nature un dispositif d’intéressement financier long terme. L’objectif est de fidéliser son détenteur dans la durée. Pour autant, certains moments de la vie peuvent nécessiter un besoin financier et il peut se poser la question de récupérer de l’argent au travers des BSPCE obtenus au fil de l’eau dans son entreprise.

Pour cela des plateformes proposent désormais un marché secondaire. C’est un endroit où des investisseurs quelconques, sont parfois prêts à investir dans les actions issues de BSPCE d’une entreprise. Les plateformes jouent alors le rôle de connecteur entre l’offre (le détenteur de BSPCE qui souhaite vendre) et la demande (l’investisseur qui souhaite acheter des actions issues des BSPCE d’une entreprise).

Cette solution apporte un peu plus d’opportunités de liquidité aux détenteurs de BSPCE, cependant il faut savoir :

  • Les sociétés connues et bien établies sont prisées par les investisseurs. Si c’est une société avec une faible notoriété (discrète, jeune dans son développement, qui ne s’adresse pas au grand public, .. ) alors les opportunités de trouver un acheteur sur ces plateformes sont plus faibles
  • Le règlement financier et la livraison de ces actions peut conduire l’opération à prendre des mois.
  • Certains pactes d’associés, interdisent tout simplement l’usage de ces plateformes pour vendre les actions obtenues via l’exercice des ses BSPCE. Ce qui pénalise les détenteurs et les contraints à attendre l’éventuel événement de liquidité long terme.

Il existe pourtant des solutions pour apporter de la liquidité à ses employés

Les interférences au capital provoquées par les BSPCE

Si certaines sociétés ont interdit l’usage de plateformes pour vendre les actions issues de BSPCE, c’est pour empêcher deux choses.

Tout d’abord limiter la transmission d’informations sur l’état de santé de l’entreprise, notamment des données qui pourraient envoyer de mauvais signaux au marché (ex. nombre d’employés en baisse, chiffre d’affaire sous les attentes, .. )

Et surtout pour empêcher l’entrée au capital de concurrents ce qui peut avoir des effets délétères sur le développement de l’entreprise.

Les actionnaires arrivés suite à l’exercice de BSPCE sont régis par un mini-pacte d’associés, attenant au pacte d’associés principal. Ce mini-pacte limite fortement les droits associés à cette classe d’action, mais ne les supprime pas.

Dans cette situation, l’actionnariat d’une entreprise peut se retrouver avec quelqu’un d’extérieur qui “écoute” le développement depuis l’intérieur. Ce risque peut-être préjudiciable à l’entreprise.

Les BSPCE ne permet pas d’incentiver tout le monde

Le dispositif de BSPCE, créé en 1998, n’a pas évolué contrairement au monde du travail. Ce qui a progressivement introduit un décalage entre le dispositif et le besoin des entreprises en croissance.

Aujourd’hui, les équipes des entreprises en croissance sont composées d’employés ayant des statuts variés (salarié, freelance, indépendant, .. ) et qui peuvent être résidents dans de nombreux pays.

Le besoin des entreprises est d’avoir un système unique qui permet de partager la valeur avec tous ses contributeurs.

Pourtant, aujourd’hui le dispositif des BSPCE est uniquement réservé aux salariés et mandataires sociaux. Cela court-circuite une bonne partie des personnes qui oeuvrent pour faire prospérer leur employeur.

Pour palier à cela, les entreprises ayant le soucis de partager de la valeur tricotent une solution avec d’autres mécanismes financiers. Parfois même en allant prendre connaissance des dispositifs locaux étrangers s’il en existe. Cela reste un chantier important, et lourd à maintenir et souvent incertain.

Les BSPCE : Un outil qui ne créé pas l’engagement

Quand un salarié signe un plan de distribution de BSPCE, il accepte les conditions selon lesquelles il va débloquer le nombre de BSPCE qui aura été discuté avec lui.

Un plan individuel de distribution de BSPCE dure en général 4 ans. Une première année où le salarié ne touche aucun bon. Puis dès la seconde année il va progressivement débloquer ces bons.

Le déblocage est parfois calé sur des objectifs collectifs (ex. % de croissance du Chiffre d'Affaires de l’entreprise sur l’année). Ou bien des objectifs individuels, ce qui reste peu commun car peu scalable (cela implique une validation de chaque objectif de plan individuel au board).

Ce mécanisme créé peu d’engagement chez les collaborateurs :

  • Les bons tombent tous les mois / trimestres, peu importe l’effort fourni.
  • Il n’est pas possible d’en obtenir plus que ce qui est décidé dans le plan signé (sauf à en signer un nouveau)

Des comportement de désengagement même peuvent apparaître. Des employés restent pour débloquer leurs bons, les exercer et partir.

L’opacité de la valeur des BSPCE

L’opacité de la valeur des BSPCE détenus est tout d’abord liée à une opacité dans les mots utilisés.

Le mécanisme n’est pas simple, il fait appel à des notions financières, juridiques ou encore économiques qui ne sont pas maîtrisées par les salariés (ex. valorisation d’une entreprise, capital social, liquidité, prélèvement forfaitaire unique, .. ). Il revient aux fondateurs et aux équipes RH d’expliquer de façon régulière comment le dispositif fonctionne, mais aussi plus largement tous les points d’incompréhension et de méconnaissance qui empêchent les salariés de comprendre. Ce n’est pas une mince affaire, car eux aussi ne connaissent pas nécessairement mieux les dispositifs.

Puis, l’opacité est entretenue par le dispositif lui même.

Le salarié débloque gratuitement des BSPCE incessibles. La valeur détenue est intangible car il a très peu d’informations pour connaître ce qu’il possède exactement.

Un mauvais calcul serait de penser que la valorisation de l’entreprise ayant décuplée depuis l’instant où les BSPCE ont été débloqués, alors le détenteur pourrait décupler ses gains lors de l’événement de liquidité. Parmi les informations qu’il lui manque on peut compter :

  • le montant des dettes de la société (remboursées en priorité lors d’un événements de liquidité)
  • la proportion d’actions de préférences (qui vont se servir avant et parfois plusieurs fois)
  • l’existence d’autres options sur le capital qui diluerait le détenteur de BSPCE
  • les dividendes non versés… (qui seront captés par les actionnaires et diminueront le prix des titres)
  • ..

En réalité son gain potentiel est (bien) inférieur au calcul qu’il réalise (valeur annoncée par son fondateur multipliée par son pourcentage de détention).

Conserver ses BSPCE après son départ : Un risque plane

La durée maximale de conservation des BSPCE après le départ du salarié n'est aujourd’hui pas légalement contrainte.

Cette durée de détention est particulièrement importante pour les détenteurs. En effet aujourd’hui, ils ont en général 3 mois après la date de leur courrier de démission pour les exercer, sinon ils perdent cet avantage acquis (et donc leurs BSPCE).

Pour palier à cette contrainte temporelle, certaines sociétés autorisent la conservation des BSPCE au-delà de cette durée de 3 mois (certaines l’autorisent même pendant plusieurs années). C'est toutefois contraire à l'esprit du dispositif : les BSPCE sont logés dans une niche fiscale réservée aux salariés, et non pas aux anciens salariés. Elle offre une fiscalité d'investisseurs sans prendre de risques (les BSCPE étant attribués gratuitement). Quitter le statut de salarié implique logiquement de quitter les avantages associés et acquis pendant cette durée.

Cette liberté d’action est une zone grise sur laquelle l’administration fiscale ne s’est pour le moment pas prononcée.

Améliorer les BSPCE n’est pas la solution

Le dispositif BSPCE a ses failles, et des améliorations ont vu le jour en 2020 avec la Loi Pacte :

  • Ouverture aux salariés dans la filiale française de startup étrangère

Permettant ainsi aux startups étrangères de proposer la souscription de BSPCE aux salariés de leurs filiales françaises. **

  • Elargissement des Bénéficiaires

Avant la loi Pacte, seuls les salariés et les dirigeants opérationnels des sociétés par actions et leurs filiales pouvaient bénéficier de BSPCE. Désormais, il est permis d’attribuer des BSPCE aux administrateurs, aux membres du conseil de surveillance et tout organe statutaire équivalent dans une SAS.

  • Prix décoté

Le calcul du prix décoté unitaire du BSPCE a évolué. Le prix fixé pour la souscription des titres ne pouvait être inférieur au prix des titres émis dans les six mois précédant l’émission des bons.

A présent, la loi prévoit que le prix d’acquisition des actions peut être décoté pour un montant maximum correspondant à la perte de valeur économique des titres depuis cette augmentation de capital.

Si ces avancées sont saluées et les bienvenues, les nombreuses faiblesses mentionnées précédemment ne sont pas encore adressées. Les discussions en cours pour continuer d’améliorer le dispositif restent maigres :

  • Prélèvement forfaitaire unique pour les détentions de moins de 3 ans
  • Seuil de mise en place des BSPCE pour les entreprises de moins de 15 ans, re-haussé à 30 ans.

Ces améliorations discutées pour mettre à jour les BSPCE ne sont pas encore à la hauteur des besoins des fondateurs d’entreprises en croissance. De nouveaux mécanismes plus versatiles sont apparus.

A noter que le gouvernement pousse en 2024 pour une nouvelle décote d'illiquidité sur le prix d'exercice des BSPCE.

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